Point de fuite
il est parti
en déchirant leurs étreintes
en cassant les infimes
réseaux aériens
de leurs liens
plus de baisers
plus jamais
non ni même de frissons
mais son visage
est à jamais
sous ses cils
gravé
ce dernier soir
leurs âmes qui s’unissent
puis ses yeux qui se dérobent
il a brisé
et les larmes elles-mêmes
et leurs amours éphémères
mais scellés sans détour
en sa mémoire
il y a le mystère
de ses lèvres incarnat
la magie
de ses cheveux d’or
incarné
il est si loin
de ce point de fuite
à présent
il s’est isolé
au centre de la terre
citadine
l’amour est un bruit
si lointain
il traverse tous les jours
les brumes suspendues aux cascades
que ses regards ont perdues
ses nouvelles côtes
des terminus de train
ses nouvelles collines
des amas de béton
ses nouvelles échappées
des courses minutées
il croise des regards
si beaux
et ne les rencontre jamais
la lumière est partout
il s’y cogne
il s’y égare
il attend le prochain soleil
qui viendra percuter
cette île étroite
qui viendra révéler
les possibles joies
il se serre
entre les travailleurs
et les flâneurs
il va
de métros boudeurs
en métros rêveurs
il se plie
aux pas rapides
aux souples déhanchés
il ne sait plus
suivre son propre rythme
la magie n’est plus gratuite
les désirés
des êtres à saisir
il s’épuise à chercher
ce que le soleil verrait
à chaque sortie
s’insinue en lui
l’effervescence
nerveuse des foules
frappées de folie
énergivore
ses yeux saturent
de beauté béante
exhibée chaotique
clinquante cassante
son corps se coince
dans le mouvement de la vague
rouleau mortel
les bras se débattent
du sable dans les dents
vidange des poumons
coudes râpés
tête ivre
ici la vie s’étire
à coups de contrastes
on vomit le connu
l’inédit émoustille
faire la course à l’excitation
se droguer à la profusion
inciter les sollicitations
voilà le programme
de la ville exigeante
alors
quand il saisit le désirable
fixe ses ardeurs
rencontre
un de ces si beaux regards
jamais il ne maîtrise
l’allure de l’élan
le soleil qui le tempère
est absent
un sprint
au lieu d’une lenteur
et il se retrouve
corps à corps
mais seul
à chercher sous ses cils
la gravure fanée
des intensités passées
il y a tant de vestiges
dans son enfance
déposée
il y court
quand ses pleurs
débordent
il y a toujours
le vent
pour les sécher là-bas
il garde la trace
de ses larmes
figées
et les offre
au soleil cuisant
pour le prier
rends-moi mon cœur d’avant
la solitude se lit
sur sa peau aplanie
sans reliefs
sans frissons
âpreté passagère
à subir en silence
sans perdre d’esprit
la volonté d’un autre monde
tendre et naïf
fermer les yeux
s’étendre sous le soleil
toucher sa chaire dense
caresser du nez ses lèvres pêche
serrer ses mains repères
souffler sur son duvet
respirer sa sueur sincère
embrasser sa dévotion
susurrer le vacarme du cœur
se précipiter vers l’infini
« Point de fuite » est un poème-fleuve, la somme d’une année mouvementée, marquée par une rupture amoureuse et par un déracinement. De l’amour sacré aux aventures multiples sans lendemains, du soleil sans limite aux RER lancinants, des repères fixes à la solitude.