pluésie

POÈMES LGBTQI+

Point de fuite

il est parti

en déchirant leurs étreintes

en cassant les infimes

réseaux aériens

de leurs liens

plus de baisers

plus jamais

non ni même de frissons

mais son visage

est à jamais

sous ses cils

gravé

 

ce dernier soir

leurs âmes qui s’unissent

puis ses yeux qui se dérobent

il a brisé

et les larmes elles-mêmes

et leurs amours éphémères

mais scellés sans détour

en sa mémoire

il y a le mystère

de ses lèvres incarnat

la magie

de ses cheveux d’or

incarné

 

il est si loin

de ce point de fuite

à présent

il s’est isolé

au centre de la terre

citadine

 

l’amour est un bruit

si lointain

il traverse tous les jours

les brumes suspendues aux cascades

que ses regards ont perdues

ses nouvelles côtes

des terminus de train

ses nouvelles collines

des amas de béton

ses nouvelles échappées

des courses minutées

 

il croise des regards

si beaux

et ne les rencontre jamais

 

la lumière est partout

il s’y cogne

il s’y égare

il attend le prochain soleil

qui viendra percuter

cette île étroite

qui viendra révéler

les possibles joies

 

il se serre

entre les travailleurs

et les flâneurs

il va

de métros boudeurs

en métros rêveurs

il se plie

aux pas rapides

aux souples déhanchés

il ne sait plus

suivre son propre rythme

 

la magie n’est plus gratuite

les désirés

des êtres à saisir

il s’épuise à chercher

ce que le soleil verrait

 

à chaque sortie

s’insinue en lui

l’effervescence

nerveuse des foules

frappées de folie

énergivore

ses yeux saturent

de beauté béante

exhibée chaotique

clinquante cassante

 

son corps se coince

dans le mouvement de la vague

rouleau mortel

les bras se débattent

du sable dans les dents

vidange des poumons

coudes râpés

tête ivre

 

ici la vie s’étire

à coups de contrastes

on vomit le connu

l’inédit émoustille

 

faire la course à l’excitation

se droguer à la profusion

inciter les sollicitations

voilà le programme

de la ville exigeante

 

alors

quand il saisit le désirable

fixe ses ardeurs

rencontre

un de ces si beaux regards

jamais il ne maîtrise

l’allure de l’élan

le soleil qui le tempère

est absent

un sprint

au lieu d’une lenteur

et il se retrouve

corps à corps

mais seul

à chercher sous ses cils

la gravure fanée

des intensités passées

 

il y a tant de vestiges

dans son enfance

déposée

il y court

quand ses pleurs

débordent

il y a toujours

le vent

pour les sécher là-bas

 

il garde la trace

de ses larmes

figées

et les offre

au soleil cuisant

pour le prier

rends-moi mon cœur d’avant

 

la solitude se lit

sur sa peau aplanie

sans reliefs

sans frissons

âpreté passagère

à subir en silence

sans perdre d’esprit

la volonté d’un autre monde

tendre et naïf

 

fermer les yeux

s’étendre sous le soleil

toucher sa chaire dense

caresser du nez ses lèvres pêche

serrer ses mains repères

souffler sur son duvet

respirer sa sueur sincère

embrasser sa dévotion

susurrer le vacarme du cœur

se précipiter vers l’infini

 

 

« Point de fuite » est un poème-fleuve, la somme d’une année mouvementée, marquée par une rupture amoureuse et par un déracinement. De l’amour sacré aux aventures multiples sans lendemains, du soleil sans limite aux RER lancinants, des repères fixes à la solitude.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
error: Content is protected !!