Ombre allongée très
mon cœur percé par toi
récolte des eaux
ton nombril
vasque liquide
sentir ce qui suinte
quelque chose du relief karstique
entre érosion et plissure
c’est électrique
dresser ma pensée
vers toi
la forger
puis
faire retenue
cette fente de désir
quand tu dis
costume
fines rayures
à une attente — ne pas savoir quand
succède
une autre forme de l’attente
— savoir quand
renversement délicieux
à quel point
te parler de ce qui m’inquiète
fracasse ce qui m’inquiète
le pulvérise
mais pulvérise aussi
ce qui m’inquiétait
avant
entières lignées
qui ne me dévorent plus
quand tu te déshabilles
que je suis dans l’eau
trop loin pour te toucher
ton dos
superbe
viril
tes gestes
ta manière de te pencher
le mouvement de tes épaules
tu incarnes cette oscillation
permanente
qui fait que tu me plais
à chaque instant
et à chaque instant
je suis un peu plus nue
un peu plus séduite
cela va vite
ne peut aller plus lentement
c’est incommensurable
notre rencontre
trouble oublié
pas assez
visiblement
au point que cela nous projette
l’une contre l’autre
maintenant
encore
maintenant
nous nous sommes
sautées à la gorge
doucement et vite
rencontre ancienne
longue lente
ton besoin
très fort
d’être rassurée
je suis là
Elisheva
tes lieux de peau
d’une juvénilité
d’une tendresse
d’une douceur
ton corps a mille visages
pour les lire
je n’ai pas abandonné
ni oublié ma cartographie
en miroir
tu rentres en moi
depuis le début
depuis
ce matin
ensommeillée encore
folie de ta hanche
sans cesse courbe
l’ombre de ton sexe
allongée très
une entaille
bleu de Genoa
ta taille marquée blanche
ta cuisse lente
tes seins leur sombre
lueur de très petit jour
mes paupières battant
pupille nourrie
complètement
vivée
Esther Salmona écrit sur ce que fait la perception au langage et à l’écriture. En avançant à partir du visage, de la voix, du corps, du paysage, des images. De leurs écarts, leurs silences, leurs géomorphologies. À partir d’un je qui n’en est pas un, se déplaçant, sans cesse. Réajustements, focales, flous, précision, plans successifs, traversées par la bande, routes à venir, dont ce texte, extrait d’un lent travail en cours.