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POÈMES LGBTQI+

Les algues grises

Il y avait les algues sèches qui, portées par le vent, tourbillonnaient dans l’air magnétique.

Elles s’effritaient sous le soleil en une étrange pluie pailletée, une neige de mer aux reflets gris et facétieux.

 

Il y avait toi. L’imminence de toi.

Si proche, étendue sur ton drap de bain marine.

Ton corps paré d’un simple maillot, allongé sur le coussin d’algues moelleux.

 

Le vol de deux mouettes au ras de l’eau.

Le jeu balbutiant de deux voiles au loin, en réponse.

 

C’était entre la plage du Pellegrin et celle de Cabasson, l’amical littoral cranté.

Hors-saison sous le soleil pré-automnal, c’était là qu’était ton corps, dans l’ocre provençale.

 

J’ai inventé un instant le sol fuyant, ma peau basculant impudemment vers la tienne, ma bouche vers tes lèvres indolentes, ma main dans ton sexe glissant.

Un instant, de ce frôlement neuf la pieuvre a frémi.

Un soupir.

 

Entendre les claquements houleux de la chair mêlés au remous des vagues.

La rumeur des coquillages était trop vaste.

Ça rampait dans mon ventre, un courant chaud dans la mer.

Une rumeur de taffetas au creux des mains.

 

Il y avait les algues sèches incrustées à ta peau salée.

L’oeil du fort présidentiel, au loin, pointait vers nous.

 

Les algues sèches entre tes orteils, plâtrées contre la courbe de tes mollets.

Les algues sèches sur ton maillot mouillé.

 

De froid, tu m’as emprunté un pull. J’ai aimé ton odeur, le sel de ton corps dans mon pull de quatre sous.

Ton corps sur la plage humide,

Ton corps sur la plage spumeuse,

Plage insolemment salivante de petite écume.

 

Il y avait l’hasardeuse fourmi qui parfois remontait le long de ta jambe.

Fourmi exploratrice, plus aventureuse que je ne l’ai été.

Fourmi solidement tenace, laquelle reprenait invariablement son ascension après chaque faillite, chaque mouvement réprobateur de ta main adorable.

 

Crucifier tes mains avec la paume de mes mains.

En rêve je t’ai vue fendue de la tête aux pieds.

 

Il y avait la mer offerte et ta peau si proche, polie par le soleil de septembre.

Le rouge de tes ongles.

Et ton accent parfois.

Dans le tourbillon d’algues grises.

C’était là qu’était ton corps.

 

 

Jeanne Gaudin a d’abord écrit sur l’art pour un lectorat parisien, puis sur les fabuleux fromages du monde, qu’elle affine avec passion et vend au quotidien.

Ses poèmes et autres nouvelles parlent d’ancêtres colocataires, de morts antiques et d’amours lesbiennes : les amours contrariées souvent, les amours finissantes parfois, mais avant tout les amours imaginaires.

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