imparfait
dans mes pupilles brillent deux mondes
qui dans les tiennes se reflètent
un dans chacune qui demande
et veut t’entendre dire d’une voix tiède
ces mots qui au fond de moi frissonnent
gravent sept lettres dans les plis de mon cœur
que mon être avide consomme
dans un rythme hard-corps
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
l’un des mondes est enragé
tandis que l’autre fond
de ton mystérieux effet
qui tous les jours me pourfend
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
à toujours enregistrée dans ma mémoire
ton apparence m’est familière
tes yeux ont la couleur de la mare
et tes ondulations celle de la nielle
un mélange d’onyx et de saphir
s’adaptant à mes propres nuances
habituées à être scotchées ainsi
aux tiennes drôle de mélange
dont le brassage est défendu
dont l’existence est réfutée
car la ressemblance est dure
et laisse les gens stupéfaits
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
ah nos mains fondues ensemble
d’une cire rosâtre consolidée
sommes-nous des mannequins aux émotions amples
sommes-nous un dramatique tableau contrefait
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
je sais que nous ne devrions pas
que nos lèvres n’ont pas été conçues
pour gommer la poisseuse poix
qui envahit nos têtes quand l’autre regarde l’une
face à face et cœur à cœur
ce n’est plus un simple flirt
je me donne encore
à ta carnation myrte
que mes yeux dévorent
que ma langue lèche
tout en faisant en sorte
de ne pas tomber dans leur piège
visqueux et présent à chaque instant
ils m’ont dit de me repentir
devant l’église dieu les saints me commandant
devant leurs nez j’ai ris
je n’ai pas fait vœu de pénitence
n’en déplaise aux hétérogènes
dont le couple vit au son des anges
qui sonnent le nouveau-mort le dernier-né
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
tout de notre histoire cloche
aucune de mes rimes n’est une rime
le tic-tac de l’horloge
est détraqué mes strophes sont versatiles
seuls des mots et des mots et des mots
j’ai anéanti la ponctuation
les espaces annoncent d’un commun accord
l’arrêt de cette immuable fin
ne rien dire
ne rien faire
surtout pas en public
jamais
entends-tu
jamais
seul est direct le refrain
toujours à l’appel quand je le sonne
il retranscrit ce que pensent les gens
que notre amour assomme
notre emboîtement imparfait
il manque quelques choses
notre regroupement imparfait
pour le dire c’est trop précoce
notre rattachement imparfait
rien n’est naturel
notre contact imparfait
seul le diable fait pareil
nous
nous imparfaites
Étoile est un.e poète.sse non-binaire. Dans « imparfait », ael relate une relation saphique, décriée par la société homophobe. Ce poème ne possède ni restriction de métrique, ni rime, ni ponctuation. Le titre est volontairement masculin, renvoyant à l’absurdité de la règle « le masculin l’emporte sur le féminin », les deux protagonistes étant définis comme féminins.