pluésie

POÈMES LGBTQI+

Brasses

Ruisseau un temps apprivoisé,

ouvre tes jambes et tes bras !

Mon corps menu est tout ému

à l’idée d’en toi

se remuer.

 

Ouvre plus grand, allez, étends :

délie tes nœuds, alcôve lourde,

lit gros de sac et de reflux,

et dans le vent où tu t’ébats,

trouve un couloir où me loger.

 

J’avoue : je trotte souvent en pensée

à l’intérieur du ramage dense.

J’y bois des jus âcres et foncés

lentement sués par les vignes d’été,

des limoncelles quasi blancs venus des côtes italiennes.

Ailleurs, un vieux berger m’a déjà servi

une eau de châtaigne puissante

dans une tasse à café.

 

Belle coulée de lave que l’eau a refroidie,

ouvre plus grand ton torse gras !

 

Montre ton ventre,

un peu, par là, soulève encore,

accrois en nombre tes états :

 

« cabane brune et inhospitalière »

« onde profonde où perdre pied »

« bouche d’égout mignonne »

« liqueur de fruits gâtés »

« mauvaise marée noire aux doigts dégoulinants »

« encre marine assaisonnée »

« rigole pressée de déborder »

« accident de la croûte et d’un cours d’eau tari »

« torrent de boue aux eaux noirâtres »

« flot d’immondices une fois par mois »

« langue brûlante de goudron »

« tunnel peuplé de ronces et de bêtes grimpantes »

« grand sécateur aux lames molles »

« tiède tanière malodorante »

« souple équateur à retracer »

« ruban de chair détricoté »

« vieille promesse abandonnée »

 

Ta longue haleine se défait

d’avoir tourné comme un manège.

Vois : à présent que tu gis,

ta gorge s’est apaisée…

 

Ruisseau tranquille, reposé,

je m’assoupis dans ton poignet.

En ton long sein tout débraillé,

je prends des bains et je paresse.

 

Toi aussi dors, mon doux ruisseau,

dors encore de cette sieste lourde :

ainsi je suis ton embrassée

le temps malin d’un songe embué.

 

 

Estelle Coppolani publie des poèmes, des nouvelles et des proses libres. Son imagination oscille entre les rivages de son île natale (La Réunion), les mornes de ses terres de songe ou d’adoption et un tropisme fripon vers Lesbos. Actuellement, elle travaille autour du matrimoine réunionnais avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Elle a écrit le poème « Brasses » pour son amie Tamara.

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