Bonum augurum
Une quête. Un mystère impalpable. Une multitude de définitions. Concret et pourtant si flou. Un acquis vite arraché. Une récompense au tourment. Invisible pourtant si évident. Important. Une clef à la serrure de la vie. Polymorphe. Je l’ai vu. Clair. Magnifique. Intense. Logique. On s’est compris. Il s’est dénudé. S’est dévoilé. Trois formes face à mes yeux.
Ma vie a fait que. C’est ce qui s’explique le mieux. Une naissance désirée. Une enfance innocente. Sans questions. Le ciel est tombé. Mon monde a basculé. Une adolescence traumatisante. Un chaos sans nom. Une noyade. Une apnée sans fin. Une vie de survie. Une survie sans vie. Une prison de chair. Des cris sourds. Une incompréhension. Des champs qui n’ont pas les réponses des villes. Une solitude incomprise. Démesurée. Létale. Une asphyxie. Une lutte face au miroir. Une guerre face à la nudité. Des mises à mort déjouées par l’instinct. Une ennemie si proche. Si semblable. Elle me suit le jour et disparaît la nuit. Elle s’accroche à mes pieds m’empêchant d’avancer. Une ombre cannibale à l’appétit insatiable.
Les formes m’ont donné la force. J’ai soutenu les regards. Trouvé les réponses. Accepté les jugements. Musclé mon esprit. J’ai combattu l’administration. Mes peurs. Rencontré des artistes aux pinceaux coupants. Ma chambre a eu des rivales dans la maison de la croix. Je me suis endormi sous les projecteurs. J’ai refais mes premiers pas. Je les ai vécus cette fois. Ma volonté m’a accouché. Je me suis donné la vie. Chacune de mes contractions encouragées. Tantôt par pater, tantôt par mater. Je me suis ouvert au monde. Je suis devenu invincible. Car je n’ai plus peur de la vie. Je la savoure. La déguste. Le miroir n’est plus une épreuve. Car pour la première fois, je me vois.
Les formes m’ont sauvé la vie. Elles m’ont bouleversé. Elles. Leur présence. Leur murmure. Leur chant. Leur chaleur. Leurs caresses. Elles ont avalé mes larmes. Soulevé mon corps fatigué. Cherché. Supplié. Observé. Inexplicable. Magique. Les voir. Les sentir contre mon corps. Contre mon cœur. Leur sourire donne vie au mien. Mes enfants. Ils contrôlent le temps. Plus rien n’a d’emprise quand mon regard se pose sur eux. Plus rien ne compte. Seul l’instant et leur respiration régulière. Leur chaleur. Ces moments partagés. Qui animent mes journées. Un jour mes rêves. Puis mon passé.
Ces trois formes au passé si différent. L’une à l’enfance paisible. Le second délaissé désormais apaisé. Le dernier si inspirant, au passé si troublant. Un membre perdu au combat…
Bonum augurum, leur patte dans la mienne.
Alian Chichignoud est un homme non cisgenre de 23 ans qui écrit depuis tout petit, se créant ainsi des univers et différentes vies au travers de ses personnages. Les arts en général ont une grande place dans sa vie. Ils l’accompagnent en forêt où il aime passer le plupart de son temps libre en compagnie de ses enfants-canins : Gaïa, Boycka, et Zuni. Ce poème leur rend hommage ; à toute la force et le soutien qu’ils ont pu s’apporter les uns aux autres, car ils sont pour la majorité issus de sauvetages. Ils sont restés à ses côtés : de son incompréhension à ses démarches concernant sa transidentité. On y lit son évolution, du cocon au papillon en quelque sorte. Son parcours et ses émotions les plus fortes. Il espère que ce poème pourra inspirer. On y lit de la souffrance mais aussi de l’espoir et du bonheur, et on comprend finalement qu’il n’y a que cela à retenir.